Félix
La parole est (encore !) à ma Maman aujourd'hui... Mais je suis certaine que vous avez apprécié ses deux premiers messages... et que vous allez encore savourer celui-ci ! Un autre souvenir d'enfance...
Félix...
Non, non…Ce n’est pas le nom du chat bien qu’il y ait un chat dans mon histoire…Le chat, lui, s’appelait Micky. C’était un beau matou noir angora ; mais depuis qu’on lui avait ôté sa virilité ( sans lui demander son avis, d’ailleurs), c’était plutôt un pacha énorme et paresseux. Ma mère avait toujours aimé les chats et pendant toute mon enfance j’ai cohabité avec eux.
Félix, c’était le secrétaire de la mairie du village. Il ne ressemblait en rien à ses concitoyens , paysans généralement costauds, un peu rustres, dotés d’un bel appétit et prompts à « lever le coude ». Félix était maladif, très grand et maigre.J’avais toujours l’impression qu’il allait se briser et mon regard d’enfant étonné avait peine à comprendre comment un cou aussi décharné pouvait soutenir sa tête….Il avait fait quelques études ce qui lui avait permis d’obtenir ce poste ( à temps très partiel ) de secrétaire de mairie. Il était « vieux garçon » et vivait dans une grande solitude dans sa petite maison non loin de la place. Sa « différence » faisait qu’il était tout à fait l’écart des autres hommes : il ne travaillait pas aux champs, il ne fréquentait pas les cafés. Et bien que son beau prénom, unique au village, signifie « heureux » en latin, Félix était loin d’être heureux.
Chaque fois qu’il se rendait à la mairie il passait devant l’école, et si ma mère était à la maison, il avait pris l’habitude de frapper à la porte et d’entrer discrètement, un sourire timide aux lèvres, son chapeau noir à la main. Ma mère était une femme généreuse et sensible. Elle avait sans doute compris la grande détresse affective de Félix. Elle lui offrait une chaise, une tasse de café, bavardait un instant avec lui. A la façon dont il la couvait du regard, il était évident qu’il était secrètement amoureux d’elle. Et jamais je n’ai oublié le jour où, en la quittant, il posa son regard sur le chat pacha, étalé, abandonné, confiant sur les genoux de ma mère et dit d’un ton triste : « Comme j’aimerais être chat chez vous ! »
La tradition voulait que le soir de Noël on ajoute un couvert à la table de fête pour y faire asseoir le « pauvre » qui passerait par là. Mais le « pauvre », c’est aussi celui qui vit sans famille, sans amis, sans amour…Et je me souviens que Félix s’est parfois assis à notre table familiale.
Et puisqu'on parle de chat, je ne peux résister au plaisir de vous faire partager une petite série de photos sur Djembé...
"Chat qui dort ne chasse pas."
(proverbe indien)