A l'école
Je laisse la parole (ou plutôt la plume..) à ma Maman pour un de ses jolis souvenirs d'enfance... Et j'en profite pour la remercier de jouer le jeu et de me confier ses textes que je savoure toujours avec beaucoup de plaisir... Si vous aussi vous prenez du plaisir à la lire, laissez-lui un petit mot (je sais qu'elle lit avec beaucoup d'attention vos commentaires... et qu'elle les apprécie !).
"Dans le petit village de mon enfance , l’école ne comptait que deux classes : la classe des « petits » dont la maîtresse était ma mère, et la classe des « grands », du CM1 à la classe fin d’études, dirigée par mon père.
Chez les « grands », le maître était sévère et exigeant. Pendant les leçons, on entendait une mouche voler. Mais ce maître était passionné par son métier. Il s’impliquait dans des méthodes pédagogiques nouvelles. Il était persuadé que l’école est le lieu privilégié pour apprendre les valeurs de respect, de démocratie, de justice. Il pensait qu’il faut donner aux enfants le sens du travail en équipe, de la collaboration, qu’il faut leur apprendre à être autonomes, à s’organiser.
Il s’était engagé dans la pédagogie Freinet et entre autres outils, il avait installé dans la classe une imprimerie.Quelle merveille et quelle joie ! Nous rédigions un journal : « Le Petit Magnaud » ( en patois dauphinois, un magnaud est un paysan ). Nous racontions la vie de l’école, du village…A tour de rôle, par petits groupes, nous avions la responsabilité de construire les textes rédigés par les élèves, à l’aide des petits caractères mobiles….Quel travail délicat et toute une technique ! Nous saisissions les petits caractères à l’aide de pincettes…Chaque ligne se composait comme dans un miroir , les erreurs étaient fréquentes et il fallait bien être plusieurs pour vérifier chaque mot ! Quand la page était prête, nous la placions sur la presse que nous encrions et, manuellement , car c’était une toute petite imprimerie, nous imprimions les pages qui allaient constituer notre journal. Ce journal distribué au village était aussi échangé avec d’autres écoles de France qui pratiquaient cette même méthode. Pour nous, petits villageois de la fin des années 40 qui ne sortions jamais de notre village, c’était une ouverture incomparable sur le monde ! Nous recevions des journaux d’enfants qui vivaient au bord de la mer ou dans de grandes villes . Parallèlement, nous établissions des correspondances individuelles avec certaines de ces classes et je suis longtemps restée en contact avec Annick qui vivait dans le Maine et Loire près de Doué-la-Fontaine…
Tout cela se passait il y a presque soixante ans et je réalise que d’une certaine manière, nous étions des écoliers heureux. Lorsque j’ai rendu visite à « mon » école au Sénégal en Décembre dernier j’ai éprouvé un choc. Les enfants qui étaient là se trouvaient dans des conditions de scolarisation bien plus précaires que celles que j’avais connues il y a soixante ans ! Quand j’ai pénétré dans « ma » classe de CE1, j’ai été accueillie par 70 enfants assis par trois ou quatre devant des pupitres de bois. Le local est un bloc de moellons sans enduit ni peinture.Les moellons sont souvent mal joints. Pas de plafond, juste le toit de tôle, mal joint lui aussi, à tel point que simplement la condensation le matin fait tomber des gouttes d’eau sur les cahiers…On imagine ce qu’il se passe à la saison des pluies ! Il n’y a pas d’électricité donc aucun appareil comme une télévision ou un lecteur de CD. Les murs de moellons sont nus, parfois une affiche publicitaire ou un maigre dessin ( ils manquent cruellement de papier ). Simplement un grand tableau ( disons plutôt une planche ) est plaqué contre le mur qui fait face aux enfants. Ce tableau est d’une extrême utilité car les enfants n’ont pas de livres et Fatoumata la maîtresse écrit tout au tableau : les phrases de lecture, les exercices de calcul, les leçons de choses ou d’histoire…tout. Sur le bureau de la maîtresse sont empilés les 70 cahiers qu’elle a préparés la veille pour les lignes d’écriture. Ce sont de tout petits cahiers, très minces qui ne ressemblent en rien aux cahiers utilisés dans nos écoles. Ce peu de matériel personnel à chaque enfant : cahier, crayon, doit être acheté par les parents car les écoles ne reçoivent pas d’argent de l’Etat ou des collectivités locales pour les fournitures. D’autres classes de l’école sont un peu mieux installées dans des locaux mieux finis mais sans plus de matériel pédagogique .
Les enfants que j’y ai vus sont les enfants chanceux puisqu’ils font partie des 57% d’enfants sénégalais scolarisés. Ils m’ont accueillie avec joie et j’ai eu droit à une belle chanson patriotique .Les visages noirs et brillants, les yeux vifs, les vêtements colorés donnaient à ces locaux tristes une note bariolée et joyeuse. Sagement alignés, ils chantaient de bon cœur, ils avaient l’air heureux et je me suis dit que, bien que cette école me paraisse très « rustique », elle a au moins le mérite d’exister et de montrer l’exemple. Elle encourage à apporter de l’aide pour que tous ces enfants trouvent leur chemin dans la vie."
Je vous tansmets ci-dessous un message de ma Maman, suite à vos gentils commentaires et votre volonté d'aider les enfants de cette école au Sénégal :
"On ne peut (ne doit) rien faire directement pour l'école... Il s'agit d'une opération de parrainage par l'intermédiaire d'une association dont voici les coordonnées :
AIDE ET ACTION
53, Bd de Charonne,
PARIS, Cedex 11
Une visite de leur site donnera une idée de leur manière de travailler. Un point extrêmement important, qui a été majeur pour moi dans le choix de cet organisme, c'est que tout leur travail se fait en relation ETROITE avec les "autochtones" . Ils ne sont pas là pour parachuter des aides n'importe où, n'importe comment. Ils interviennent dans des structures existantes, sur des projets précis et évalués. En ce qui concerne "mon" école, le premier projet a porté sur une construction "en dur". Ce projet se poursuit et est accompagné d'un second projet sur la réalisation d'une bibliothèque. Ces projets sont proposés et soutenus par les enseignants et les associations de parents d'élèves. L'organisation ne vient qu'en soutien.
"Mon " école est soutenue par plusieurs parrains mais nous sommes tous tenus informés des réalisations et aussi du travail pédagogique effectué dans l'école. Nous recevons trois courriers par an directement de l'école parrainée. ( coïncidence, j'en ai reçu un aujourd'hui ! )"