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Le blog de Cath
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14 juin 2007

Galerie de portraits

On retrouve ma Maman et sa jolie plume... pour mon plus grand plaisir (et j'espère le vôtre !). Un souvenir illustré aujourd'hui par un tableau de mon grand-père (malheureusement, ni ma Maman, ni mon frère, ni moi n'avons hérité de son joli coup de pinceau !!!)

eglise

"Dans mon petit village, comme sans doute dans tous les villages, il y avait  quelques personnages qui sont restés dans ma mémoire. Je les ai vus avec mes yeux d’enfant parfois admiratifs, parfois effrayés, parfois curieux. Souvent je les connaissais peu, je ne savais rien de leur parcours ni de leur vie dans le village. Les « grandes personnes » ne répondaient pas aux questions indiscrètes des enfants et, d’ailleurs, nous le savions et ne les posions pas ces questions. Je me contentais de regarder ces hommes et ces femmes qui vivaient près de nous mais qui, en même temps, semblaient si différents ; et je m’inventais leur histoire.

Il y avait le « Zèf ». Il vivait seul au bas de la route qui monte à l’église. Jamais je ne l’ai vu sans sa pipe entre les dents. Il se déplaçait en claudiquant à cause de son « pilon ». Il avait une jambe de bois et pour moi, le « Zèf » avait dû être un pirate. Je le regardais avec un mélange de frayeur et de curiosité  et jamais je ne lui ai adressé la parole. Je n’ai jamais su si sa jambe de bois était la conséquence d’un accident quelconque ou un avatar de la Grande Guerre. Il n’aimait pas beaucoup les enfants et il se plaisait à nous faire fuir quand nous nous approchions trop près de sa cour.

Puis je n’ai pas oublié la « Mère Louis ». Elle aussi vivait en bas de la route qui va à l’église, mais du côté opposé. Elle était « laveuse ». Chaque semaine, elle venait à la maison s’occuper du linge. Lorsque le linge avait bouilli pendant longtemps dans la lessiveuse, elle sortait chaque pièce fumante à l’aide d’un bâton pour la mettre dans une bassine. Une fois la bassine pleine, elle la chargeait sur une brouette, et s’en allait au lavoir pour rincer. Je revois ses mains rouges et gonflées lorsqu’elle revenait à la maison pour étendre la lessive. Sa maison était une des dernières maisons du village à avoir encore un sol en terre battue. J’étais fascinée lorsque je la voyais balayer avec ce qui ressemblait davantage à un fagot qu’à un balai comme ceux que je voyais chez ma mère. Mais elle avait un magnifique jardin qu’elle cultivait avec soin. Outre les légumes habituels de tous les jardins, on y trouvait une profusion de fleurs parmi lesquelles les roses anciennes et parfumées, les phlox, les pivoines, les grosses marguerites, les « désespoirs du peintre »…..C’est là que je venais faire « mon marché » pour la Fête des Mères. Elle qui n’avait plus d’enfants ( sa fille unique était morte jeune et elle fleurissait sa tombe quotidiennement) , elle était heureuse de m’aider à fabriquer mon bouquet.

Je revois aussi « La Bossue ». Cette pauvre femme contrefaite vivait misérablement au bout du village, rejetée par la plupart des villageois. Son crime ? Après quelques années passées à la ville, Lyon en l’occurrence où j’imagine qu’elle avait été placée comme « bonne à tout faire », elle était revenue au village avec un petit garçon qu’elle tentait d’élever seule et sans moyens. Elle se déplaçait toujours discrètement, souriante, effacée, comme une petite souris, essayant d’être le moins visible possible. Heureusement, il y avait quelques bonnes âmes au village et je crois que ce petit garçon qu’on voyait si peu, qui ne partageait jamais les jeux des autres enfants, a toujours eu de quoi manger.

Enfin, il y avait le personnage illustre, le grand écrivain, la gloire du village. Il habitait le château, juste après le cimetière. Chaque jour, il montait la rue principale à pas lents, aidé de sa canne, l’air absent, perdu dans ses pensées. On le saluait respectueusement. Il répondait d’un petit signe de tête, ou il ne répondait pas ; c’était selon. Il entrait à l’église où il priait longuement la Vierge Marie. Les belles journées d’été, il allait au bord du fleuve cueillir une brassée de « cannes d’or » qu’il déposait aux pieds de celle qu’il vénérait. Il avait souvent des visiteurs célèbres :  des écrivains, des acteurs que nous regardions de loin, impressionnés. Il s’appelait Paul Claudel."

Claudel

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Commentaires
C
Je suis toujours impressionnée par les personnes qui ont une telle plume ! J'aime écrire , j'aime les mots quand ils chantent à mon oreille quand je lis ou quand j'écris. A ce jour, personne n'a jamais lu ce que j'écris ; souvenirs, émotions particulières ... Je ne donne à lire que ce qui m'est demandé, puisque je suis (entre autres) correctrice et rédactrice pour la presse ou les entreprises de communication. Je voulais ce matin vous dire MERCI pour l'émotion que vous m'avez offerte à la découverte de ces superbes textes. J'y ai retrouvé mes émotions de lectrice de Pagnol, des courriers de Paul à Camille Claudel (nés tous deux près d'ici et que j'aime beaucoup l'un et l'autre)....<br /> Merci et vivement le prochain texte !<br /> Christelle
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P
Moi aussi je me revois petite fille chez ma grand-mère au temps où les machines à laver n'existaient pas partout...et que d'émotions dans le précédent portrait...!
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C
ce soir , je n'avais pas la forme, Mon amie NATOU a envoyé sur son blog, une bien triste nouvelle...son chien, ami de très longue date...vient de mourir, que de tristesse dans son écrit et que de peine pour elle et son petit garçon....et voilà que je viens me plonger dans cette écriture de ta maman ...et là au milieu de tous ces personnages...célèbres ou non..je retrouve des bribes de mon enfance et de mon adolescence...et comme chaque fois, les souvenirs affluent ( bons ou mauvais)..et je redeviens la petite fille du petit village ....au mil;ieu des petites gens !!!!<br /> Mais CA fait du bien !!!<br /> Alors pour ce récit et tous les autres ...dis un GRAND MERCI à ta maman....
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A
encore un pur plaisir que de lire les histoires si bien raconte de ta maman, et si elle en faisait des livres, je suis sure qu'ils seraient lu et relu sans fin.. merci a vous de nous les faire partager
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N
La vie était vraiment rude à cette époque et malgrè toutes ses années il y a encore des gens qui vivent dans de mauvaises conditions et simplement pour gagner leur vie!<br /> Votre maman a eu la chance de croiser Paul Claudel dans sa vie de petite fille, quel beau et grand souvenir, mais aussi ses petites gens, même si ils n'ont pas marqué notre histoire, ils ont marqué la mémoire d'une petite fille et dans toutes ses petites histoires votre maman fait en sorte qu'elles ne sont pas oubliés! Pour cela je lui tire mon chapeau car à l'heure où nous vivons beaucoup de personnes ne font plus attention aux autres!<br /> Enfin bref, beaucoup de talent dans votre famille, <br /> vous, votre maman, et ce grand-père dommage de ne pas avoir hérité de ce talent mais je suis sûre que vous en avez d'équivalent!<br /> Je vous souhaite une bonne soirée et merci à toutes les deux!
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