L'inconscience du changement
Olivier Clerc, écrivain et philosophe, a écrit en 2005 plusieurs petits contes allégoriques riches d'enseignement. J'ai envie aujourd'hui de vous faire partager celui de la grenouille (que certains d'entre vous connaissent probablement déjà) qui met en évidence les conséquences funestes de l'inconscience du changement.
"Imaginez une
marmite remplie d'eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille.
Le feu est allumé sous la marmite, l'eau chauffe doucement. Elle est bientôt
tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue à nager. La
température continue à grimper. L'eau est maintenant chaude. C'est un peu plus
que n'apprécie la grenouille, ça la fatigue un peu, mais elle ne s'affole pas
pour autant. L'eau est cette fois vraiment chaude. La grenouille commence à
trouver cela désagréable, mais elle s'est affaiblie, alors elle supporte et ne
fait rien.
La
température continue à monter jusqu'au moment où la grenouille va tout
simplement finir par cuire et mourir. Si la même grenouille avait été plongée
directement dans l'eau à 50°, elle aurait immédiatement donné le coup de patte
adéquat qui l'aurait éjectée aussitôt de la marmite."
Cette expérience montre que, lorsqu'un changement s'effectue d'une manière
suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du
temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte.
Si nous regardons ce qui se passe dans notre société depuis quelques décennies,
nous subissons une lente dérive à laquelle nous nous habituons. Des tas de
choses qui nous auraient horrifiés il y a 20, 30 ou 40 ans, ont été peu à peu
banalisés, édulcorées, et nous dérangent mollement à ce jour, ou laissent
carrément indifférents la plupart des gens.
Au nom du progrès et de la science, les pires atteintes aux libertés
individuelles, à la dignité du vivant, à l'intégrité de la nature, à la beauté
et au bonheur de vivre, s'effectuent lentement et inexorablement avec la
complicité constante des victimes, ignorantes ou démunies.
Les noirs tableaux annoncés pour l'avenir, au lieu de susciter des réactions et
des mesures préventives, ne font que préparer psychologiquement le peuple à
accepter des conditions de vie décadentes, voire dramatiques. Le gavage
permanent d'informations de la part des média sature les cerveaux qui
n'arrivent plus à faire la part des choses... Lorsque j'ai annoncé ces choses
pour la première fois, c'était pour demain, là, c'est pour aujourd'hui.
Alors si vous n'êtes pas, comme la grenouille, déjà à moitié cuite, donnez le
coup de patte salutaire avant qu'il ne soit trop tard. »
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