C'est dans la région du Shekhawati que nous vous emmenons pour visiter des havelis. Cette région, au centre du triangle formé par les villes de Bikaner, Jaipur, et Delhi, était située sur le trajet des caravanes qui reliaient le Moyen Orient à la Chine et transportaient des étoffes, des épices, de l'opium. De nombreux marchands s'établirent dans cette région dès le 17ème siècle. Ils devinrent très riches sous la colonisation britannique. Pour mettre en avant leur fortune, ils firent construire de magnifiques résidences qui étaient, vanité oblige, toujours plus grandes que celle du voisin.
Les havelis du Shekhawati ont en commun des ensembles de fresques qui recouvrent leurs façades et les murs des cours intérieures.
Ces peintures sont de véritables bandes dessinées racontant des légendes, des récits religieux.
Elles sont aussi le reflet de la vie de tous les jours à cette époque.
Tels des tableaux, elles transmettent aux générations futures les portraits de leurs ancêtres.
Le terme haveli est une déclinaison du mot "hava" qui veut dire "air" car ces constructions étaient orientées de manière à être ventilées naturellement grâce à leurs nombreuses fenêtres et leur système de moucharabiehs.
Ces maisons avaient deux fonctions : outre la partie habitation, elles servaient à traiter les affaires des marchands. Leur plan architectural est une constante de l'époque. Elles possèdent toutes plusieurs cours intérieures (deux au minimum et jusqu'à sept pour les plus grandes) : la première cour, réservée aux hommes, servait à recevoir les clients et pour cette raison rivalisait de beauté avec la façade sensée attirer ces mêmes clients.
Les pièces qui la bordaient étaient également décorées de fresques impressionnantes.
La seconde cour, moins raffinée, était utilisée par la famille qui vivait dans les pièces tout autour.
Celles que nous avons visitées possédaient au moins un étage avec souvent un toit plat accessible par le même escalier interne qui dessert le ou les étages.
Ces havelis rappellent beaucoup les riads marocains, avec toutefois des proportions plus importantes lorsque qu'elles sont situées dans une grande ville. Le nombre d'étages évolue apparemment avec la taille de la ville : à Bikaner, certaines Havelis tiennent plus de l'immeuble que de la simple maison d'habitation.
Leur construction s'est étalée de 1800 à 1940 puis l'avènement du chemin de fer et le développement des ports de commerce a relégué dans le passé le transport des marchandises par caravane chamelière. Les marchands se rapprochèrent des grandes villes portuaires et des nouvelles gares ferroviaires. Les havelis furent soit fermées, soit gardées par un lointain membre de la famille et tombèrent dans l'oubli. Elles furent redécouvertes au début des années 80 par Ilay Cooper, un ethnologue photographe qui, visitant à vélo cette région, repéra toutes ces fresques qui recouvraient les façades. En 1993, une association appelée "Les amis du Shekhawati" est créée par un indien pour répertorier, protéger et commencer la restauration des fresques qui ornent ces havelis.
Aujourd'hui, quelques havelis réhabilitées ont été transformées en hôtel ; de très rares sont remises en état par des particuliers pour y habiter. Quelques-unes, en état de décrépitude avancée, sont toujours habitées.
Mais la plupart, toujours fermées, continuent à s'abimer avec le temps et les intempéries et risquent de ne plus être rénovables.
Nous avons même vu des quartiers entiers de havelis démolis pour reconstruire à la place des bâtiments quelconques ! Il faut dire que l'absence de logique indienne (qui nous a accompagnée tout au long de notre voyage !) s'applique aussi aux havelis qui, même complètement délabrées, coûtent une fortune... ce qui décourage bien évidemment les amateurs de vieilles pierres à restaurer. L'autre difficulté, pour un éventuel acheteur, est le nombre de propriétaires important qui augmente au fur et à mesure des successions. Aujourd'hui, certaines havelis peuvent appartenir à plusieurs dizaines de personnes, ce qui en rend très difficile l'acquisition (le risque étant d'oublier une personne qui pourra rompre l'acte d'achat). Il faut dénoncer également le comportement des antiquaires indiens qui proposent aux différents propriétaires des sommes d'argent en liquide en échange des portes, fenêtres, et autres ornements des havelis. Ceci aboutit tout simplement à la démolition de certaines havelis pour vendre ces éléments. Le patrimoine architectural non religieux n'intéresse personne en Inde et c'est ainsi que les havelis disparaissent petit à petit.
Pour vous donner un aperçu de la splendeur passée de ces habitations, dans le prochain article nous vous emmènerons visiter une haveli dont la restauration est bien avancée.